Serveur : brève anatomie d’une profession au service de l’expérience client

Voici une scène de la vie quotidienne médiévale…

Un homme en armure, entrant dans une auberge.

  • – Aubergiste ! J’ai grand soif. Mon royaume pour un pichet, céans !
  • – Oui, mon seigneur. Un rouge ?
  • – Qu’importe la couleur tant cela me désaltère et épanche mes envies d’alcool !
  • – Tout de suite.

L’aubergiste s’exécute. Un pichet se retrouve posé sur la table à laquelle s’est assis le candide visiteur. Il boit, tend trois pièces à son hôte, puis repart sans demander son reste, sans oublier son récital de sortie.

  • – Vil malandrin ! Où est donc garé mon cheval ? Palsambleu !

En effet, si la restauration a connu quelques évolutions au fil des âges – le terme restaurant n’étant lui-même apparu qu’au XVIIIe siècle d’après Larousse – ; une chose n’a probablement connu que peu de soubresauts et autres perturbations : le service. Qu’importe l’attente du client, il a toujours fallu lui apporter boissons, plats, ou quoi que ce soit qui puisse le satisfaire, selon le degré de rigueur du restaurant et son rythme de fonctionnement (nourriture rapide, gastronomie, etc.).

Sur le fond, le métier de serveur est l’un des plus anciens et des plus authentiques de la société de l’homme sédentaire, la forte dimension humaine de la profession sollicitant les usages de codes précis qui ont limité la transformation du métier jusqu’à aujourd’hui.

De nos jours, il s’agit de l’un des métiers étudiants les plus populaires : la demande en main d’œuvre ne manque pas. Par ailleurs, la quantité d’offres surpassant le nombre de candidats, les places ne manquent pas et il est tout à fait pertinent d’envisager une carrière dans le métier en restauration.

Exigeant, cela demande une certaine condition physique (on est debout, on court un peu partout, et on évite de renverser la tarte aux figues et à la cannelle de madame…) un sens du relationnel et de la patience (« oui monsieur, la maison s’excuse de ce cheveu et vous ramène sans délai un nouveau homard grillé »), ainsi qu’une grande polyvalence (un serveur peut aider aux cuisines, nettoyer la salle, ou même parfois endosser le rôle de barman). Le stress d’être toujours sur le qui-vive, et d’éprouver parfois des horaires lourds et peu élastiques conduisent à une certaine pression qu’il faut accepter et endurer. Et parfois, à peine pour un SMIC…  J’invite d’ailleurs les lecteurs à réfléchir au problème suivant :

Neymar, célèbre footballeur brésilien, avoisine les quinze millions d’euros de salaire annuel. Un serveur débutant, dans un restaurant moyen, s’étalonne autour de son bon vieux SMIC. Sachant qu’en une journée de travail, ce dernier parcourt environ 15 kilomètres, et qu’en un match Neymar court une moyenne de 12 kilomètres, calculez combien rapporte à chacun de ces personnages l’effort d’un un seul pas en avant.

Pour simplifier l’exercice, nous considérerons que Neymar et le serveur font chacun la même taille de jambes. L’usage de la calculatrice est autorisé.

Pour en revenir à la restauration, lorsque l’on monte en qualité de gamme en termes d’établissement et de gastronomie, les codes du métier et du milieu sont tels qu’il est exigible des candidats de sortir d’une grande école d’hôtellerie, là où le métier est généralement accessible au sortir d’un CAP, d’un brevet professionnel, d’un bac pro ou même sans diplôme, quand bien même l’évolution de carrière sera plus lente. Le job devient alors chorégraphique et emprunte aux usages du luxe, du savoir-vivre, et à des univers comme celui de l’œnologie : servir un bon vin implique de s’y connaître, voire de travailler son palais et son sens du bon goût. Autant dire que la passion devient vite indispensable.

Le serveur qui aura à cœur de rechercher l’excellence de lui-même pourra alors réfléchir à une évolution de carrière conduisant à de réelles opportunités. Chef de rang, maître d’hôtel, gérant de restaurants… Autant de pistes dégagées et pavées par l’expérience et la qualité de service, les diplômes aidant également.

Aujourd’hui, on peut s’interroger sur l’avenir du métier. Nous sommes dans l’ère du digital, l’expérience client est au cœur de toutes les réflexions stratégiques des entreprises. Les profondes mutations imposées par la multiplication des offres de toutes sortes, les révolutions ergonomiques, l’impact fort d’internet et des objets connectés automatisant l’accès à l’information et au confort… Le client est de plus en plus choyé, et devient gourmand, exigeant. Le succès de l’application mobile Allo Resto, qui permet en quelques clics de choisir parmi un immense panel de cuisines et de plats qu’on se voit livré à domicile avec les remerciements du restaurateur/traiter est une preuve de toute cette tendance qu’amène l’ère numérique, et ses enjeux.

Face à la pénurie de personnel, le secteur de la restauration est plus que jamais confronté à l’imminence de transformation. À l’instar des métiers dans lesquels c’est bel et bien l’humain et la créativité qui créent de la valeur ajoutée, le serveur goûte, touche, et cerne le client grâce au fameux don de l’empathie : et c’est bien cela qui peut garantir non seulement la sauvegarde de ce métier dans les plans de notre avenir, mais également sa prospérité.

En effet, les robots serveurs, si tant est qu’ils créent un jour avec perfection l’illusion de l’humain, ce n’est pas pour tout de suite, et ça ne sera jamais qu’une imitation. De facto, si les établissements renforcent au travers de solutions digitales créatives la qualité de l’expérience culinaire qui se déroule entre ses murs (ou sur une terrasse, soyons fous, c’est bientôt l’été), et tant que les gens auront faim, et apprécieront de se faire servir… Ma foi, je me permettrai d’être optimiste. D’ailleurs, j’irais bien me faire un italien, là.

Voici une scène de la vie quotidienne médiévale… Un homme en armure, entrant dans une auberge. - Aubergiste ! J’ai grand soif. Mon royaume pour un pichet, céans ! - Oui, mon seigneur. Un rouge ? - Qu’importe la couleur tant cela me désaltère et épanche mes envies d’alcool ! - Tout de suite. L’aubergiste s’exécute. Un pichet se retrouve posé sur la table à laquelle s’est assis le candide visiteur. Il boit, tend trois pièces à son hôte, puis repart sans demander son reste, sans oublier son récital de sortie. - Vil malandrin ! Où est donc garé mon cheval ? Palsambleu ! En effet, si la restauration a connu quelques évolutions au fil des âges - le terme restaurant n’étant lui-même apparu qu’au XVIIIe siècle d’après Larousse - ; une chose n’a probablement connu que peu de soubresauts et autres perturbations : le service. Qu’importe l’attente du client, il a toujours fallu lui apporter boissons, plats, ou quoi que ce soit qui puisse le satisfaire, selon le degré de rigueur du restaurant et son rythme de fonctionnement (nourriture rapide, gastronomie, etc.). Sur le fond, le métier de serveur est...

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Voici une scène de la vie quotidienne médiévale…

Un homme en armure, entrant dans une auberge.

  • – Aubergiste ! J’ai grand soif. Mon royaume pour un pichet, céans !
  • – Oui, mon seigneur. Un rouge ?
  • – Qu’importe la couleur tant cela me désaltère et épanche mes envies d’alcool !
  • – Tout de suite.

L’aubergiste s’exécute. Un pichet se retrouve posé sur la table à laquelle s’est assis le candide visiteur. Il boit, tend trois pièces à son hôte, puis repart sans demander son reste, sans oublier son récital de sortie.

  • – Vil malandrin ! Où est donc garé mon cheval ? Palsambleu !

En effet, si la restauration a connu quelques évolutions au fil des âges – le terme restaurant n’étant lui-même apparu qu’au XVIIIe siècle d’après Larousse – ; une chose n’a probablement connu que peu de soubresauts et autres perturbations : le service. Qu’importe l’attente du client, il a toujours fallu lui apporter boissons, plats, ou quoi que ce soit qui puisse le satisfaire, selon le degré de rigueur du restaurant et son rythme de fonctionnement (nourriture rapide, gastronomie, etc.).

Sur le fond, le métier de serveur est l’un des plus anciens et des plus authentiques de la société de l’homme sédentaire, la forte dimension humaine de la profession sollicitant les usages de codes précis qui ont limité la transformation du métier jusqu’à aujourd’hui.

De nos jours, il s’agit de l’un des métiers étudiants les plus populaires : la demande en main d’œuvre ne manque pas. Par ailleurs, la quantité d’offres surpassant le nombre de candidats, les places ne manquent pas et il est tout à fait pertinent d’envisager une carrière dans le métier en restauration.

Exigeant, cela demande une certaine condition physique (on est debout, on court un peu partout, et on évite de renverser la tarte aux figues et à la cannelle de madame…) un sens du relationnel et de la patience (« oui monsieur, la maison s’excuse de ce cheveu et vous ramène sans délai un nouveau homard grillé »), ainsi qu’une grande polyvalence (un serveur peut aider aux cuisines, nettoyer la salle, ou même parfois endosser le rôle de barman). Le stress d’être toujours sur le qui-vive, et d’éprouver parfois des horaires lourds et peu élastiques conduisent à une certaine pression qu’il faut accepter et endurer. Et parfois, à peine pour un SMIC…  J’invite d’ailleurs les lecteurs à réfléchir au problème suivant :

Neymar, célèbre footballeur brésilien, avoisine les quinze millions d’euros de salaire annuel. Un serveur débutant, dans un restaurant moyen, s’étalonne autour de son bon vieux SMIC. Sachant qu’en une journée de travail, ce dernier parcourt environ 15 kilomètres, et qu’en un match Neymar court une moyenne de 12 kilomètres, calculez combien rapporte à chacun de ces personnages l’effort d’un un seul pas en avant.

Pour simplifier l’exercice, nous considérerons que Neymar et le serveur font chacun la même taille de jambes. L’usage de la calculatrice est autorisé.

Pour en revenir à la restauration, lorsque l’on monte en qualité de gamme en termes d’établissement et de gastronomie, les codes du métier et du milieu sont tels qu’il est exigible des candidats de sortir d’une grande école d’hôtellerie, là où le métier est généralement accessible au sortir d’un CAP, d’un brevet professionnel, d’un bac pro ou même sans diplôme, quand bien même l’évolution de carrière sera plus lente. Le job devient alors chorégraphique et emprunte aux usages du luxe, du savoir-vivre, et à des univers comme celui de l’œnologie : servir un bon vin implique de s’y connaître, voire de travailler son palais et son sens du bon goût. Autant dire que la passion devient vite indispensable.

Le serveur qui aura à cœur de rechercher l’excellence de lui-même pourra alors réfléchir à une évolution de carrière conduisant à de réelles opportunités. Chef de rang, maître d’hôtel, gérant de restaurants… Autant de pistes dégagées et pavées par l’expérience et la qualité de service, les diplômes aidant également.

Aujourd’hui, on peut s’interroger sur l’avenir du métier. Nous sommes dans l’ère du digital, l’expérience client est au cœur de toutes les réflexions stratégiques des entreprises. Les profondes mutations imposées par la multiplication des offres de toutes sortes, les révolutions ergonomiques, l’impact fort d’internet et des objets connectés automatisant l’accès à l’information et au confort… Le client est de plus en plus choyé, et devient gourmand, exigeant. Le succès de l’application mobile Allo Resto, qui permet en quelques clics de choisir parmi un immense panel de cuisines et de plats qu’on se voit livré à domicile avec les remerciements du restaurateur/traiter est une preuve de toute cette tendance qu’amène l’ère numérique, et ses enjeux.

Face à la pénurie de personnel, le secteur de la restauration est plus que jamais confronté à l’imminence de transformation. À l’instar des métiers dans lesquels c’est bel et bien l’humain et la créativité qui créent de la valeur ajoutée, le serveur goûte, touche, et cerne le client grâce au fameux don de l’empathie : et c’est bien cela qui peut garantir non seulement la sauvegarde de ce métier dans les plans de notre avenir, mais également sa prospérité.

En effet, les robots serveurs, si tant est qu’ils créent un jour avec perfection l’illusion de l’humain, ce n’est pas pour tout de suite, et ça ne sera jamais qu’une imitation. De facto, si les établissements renforcent au travers de solutions digitales créatives la qualité de l’expérience culinaire qui se déroule entre ses murs (ou sur une terrasse, soyons fous, c’est bientôt l’été), et tant que les gens auront faim, et apprécieront de se faire servir… Ma foi, je me permettrai d’être optimiste. D’ailleurs, j’irais bien me faire un italien, là.

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